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Les femmes de science dans la littérature : raconter pour réparer l’effet Matilda

Quand les romans, essais et BD réparent l’oubli : la littérature remet des noms et des preuves sur des découvertes signées par des femmes. Un levier puissant contre l’effet Matilda.
Tableau mathématique historique montrant des calculs et formules
Portrait Mary Shelley, écrivaine de Frankenstein.

La littérature a cette force unique : elle fabrique des récits qui restent. Lorsqu’elle s’empare des femmes de science, elle ne se contente pas de « raconter des vies », elle recompose les dossiers du crédit, elle met en scène les preuves, les laboratoires, les archives, et elle rend lisibles des trajectoires trop longtemps reléguées au second plan. C’est exactement là que la littérature devient un outil contre l’effet Matilda : elle corrige les angles morts des manuels, elle contredit l’habitude d’attribuer à un seul « grand homme » ce que des équipes mixtes ont produit, et elle réinscrit les autrices au cœur des découvertes.

Aucun homme ne choisit le mal pour le mal, il le confond seulement avec le bonheur, le bien qu'il cherche. 

— Mary Shelley

Dans la fiction, des romancières et romanciers redonnent chair à des chercheuses dont la mémoire a été bousculée. La force de ces récits n’est pas seulement de peindre des héroïnes, mais de montrer le travail : cahiers, expériences, controverses, reconnaissance tardive. En dévoilant les coulisses du savoir, la fiction met au jour ce qui produit l’invisibilisation : les silences d’institution, les signatures oubliées, les récits médiatiques qui privilégient l’exception masculine au détriment des chaînes de coopération. Elle offre au lectorat des personnages complexes, ni icônes glacées ni silhouettes secondaires, et replace la méthode scientifique au centre de l’action.

Portrait peint d'Ada Lovelace portant une robe élégante et des bijoux
Frankenstein de Mary Shelley

Côté documentaires et biographies, des autrices et auteurs réévaluent le crédit en s’appuyant sur l’archive. On y lit des correspondances, des notes datées, des articles co-signés ; on y découvre des négociations éditoriales, des refus d’académies, des jurys qui hésitent à nommer la bonne personne. Cette écriture précise dresse un contre-récit qui ne vise pas à remplacer un panthéon par un autre, mais à documenter qui a fait quoi, quand et comment. De Rosalind Franklin à Lise Meitner, de Mileva Marić à Hedy Lamarr, ces ouvrages montrent que l’invisibilisation n’est pas une anecdote, c’est un pli culturel que la preuve et la narration peuvent défaire.

Bien que multiples, les péripéties de l'existence sont moins variables que le sont les sentiments humains.

— Mary Shelley

La bande dessinée documentaire occupe une place à part. Elle associe exactitude des sources et puissance visuelle : schémas, fac-similés, diagrammes, scènes de labo. À travers ce langage, des figures deviennent immédiatement accessibles à un large public. Quand une planche juxtapose un portrait et un extrait de carnet, le lien entre l’idée et l’autrice devient indiscutable. La BD renforce ainsi la pédagogie du crédit : elle montre, elle cite, elle contextualise, et elle invite à vérifier.

Portrait sépia de Charles Babbage, homme âgé en costume victorien
Extrait tier du film radioactive

Ces trois familles d’ouvrages dialoguent naturellement avec les autres pages de ton site. Le film consacré à Marie Curie a déjà mis en évidence la fragilité du crédit et la force des preuves : un bon pont vers les biographies et les BD qui détaillent, plus froidement, les étapes d’une découverte. L’article dédié à Ada Lovelace rappelle, lui, que l’algorithmique moderne est née d’une intuition formulée noir sur blanc dans des notes techniques : un écho direct aux livres qui reconstituent la programmabilité générale et les débats historiographiques autour de son rôle. Le volume de références consacré aux « oubliées » propose enfin une cartographie transversale, parfaite pour créer des renvois internes et enrichir tes encadrés.

L'Homme était-il donc à la fois si puissant, si vertueux et magnifique, et, d'autre part, si vicieux et si bas ?

— Mary Shelley

Il faut toutefois une vigilance : la littérature peut, par goût de la narration, simplifier, condenser, fusionner des personnages. Le risque serait de fabriquer un nouveau mythe qui effacerait la complexité des collaborations. La bonne pratique, pour un site pédagogique, consiste à faire dialoguer romans, essais et archives : citer les œuvres, rappeler ce qui relève de l’interprétation, et lier vers les documents sources quand c’est possible. Ce cadre critique évite de remplacer une invisibilisation par une autre.

Portrait peint d'Ada Lovelace portant une robe élégante et des bijoux
Livre les oubliées de l’histoire

Au-delà de la réparation symbolique, ces livres ont un effet concret : ils fournissent des modèles identificatoires. Voir des chercheuses en action, comprendre leurs stratégies de publication, repérer comment elles ont tenu leurs carnets ou défendu leurs résultats, c’est donner aux lectrices et lecteurs des gestes à reproduire. La littérature devient alors une méthode : attribuer avec précision, documenter en amont, penser la visibilité comme une composante de la vérité scientifique.

La vie est tenace, et persiste le plus longtemps quand elle est l'objet de la haine la plus profonde.

— Mary Shelley

Dans la continuité éditoriale de ton site, cet article est pensé comme une porte d’entrée. Il invite à circuler vers la page Ada Lovelace (pour la naissance de l’algorithme et la question du crédit), vers l’analyse du film « Radioactive » (pour la mise en scène des biais et des corrections institutionnelles), et vers la présentation des « Oubliées de l’Histoire » (pour une bibliothèque de cas). Ensemble, ces contenus tissent une même idée : raconter, c’est déjà attribuer ; attribuer, c’est déjà réparer l’effet Matilda.